Prévenir un litige international : l’utilité des clauses de règlement des différends
Par M. Antoine Motulsky-Falardeau | Les entreprises qui transigent à l’international s’exposent, en cas de litige avec leur partenaire commercial, à des procédures et des frais juridiques pouvant grandement varier selon la nature des règles qui s’appliquent à ce litige et selon l’endroit où il sera tranché.
Afin de prévoir le déroulement d’un litige international, et donc possiblement de mieux le prévenir et en planifier les conséquences potentielles, les parties à un contrat commercial international insèrent dans celui-ci des clauses de règlement des différends.
Les clauses de règlement des différends
Les clauses de règlement des différends sont de trois ordres : les clauses qui visent la loi qui s’applique au contrat (clauses de choix de loi), les clauses qui visent la juridiction compétente pour trancher le litige (clauses de choix de juridiction) et les clauses qui visent à favoriser un règlement amiable (clauses de prévention).
Les clauses de choix de loi désignent les règles de droit qui s’appliquent au contrat, par exemple en identifiant la loi d’une province ou d’un État. La loi ainsi désignée est utilisée pour déterminer la validité et les effets du contrat. En cas de litige, le juge (ou l’arbitre) utilise cette loi, et non sa loi nationale ou la loi du lieu où il siège, pour donner raison ou tort aux parties sur le mérite de leurs prétentions. Lorsqu’une opinion juridique est demandée concernant la validité ou les effets du contrat, il faut garder en tête que l’avocat qui rend cette opinion donne son avis selon la loi désignée et qu’il sera peut-être nécessaire de faire appel à un avocat étranger pour obtenir une opinion si la loi désignée est étrangère.
Les clauses de choix de juridiction désignent, quant à elles, l’endroit (ou la juridiction) où le litige sera tranché. Deux sortes de clauses juridictionnelles existent : la clause d’élection de for et la clause d’arbitrage. La première vise à choisir les tribunaux judiciaires d’un État particulier (le « for »), tandis que la deuxième vise à choisir l’arbitrage privé afin d’obtenir une décision finale par un tiers impartial, aidé ou non par une institution d’arbitrage. Le principe contractuel de ces clauses est de convenir que tout litige relatif au contrat sera tranché exclusivement par la juridiction désignée.
En principe, toute demande en justice déposée ailleurs que devant la juridiction désignée peut être sommairement rejetée. Corrélativement, une décision rendue par une juridiction qui n’est pas celle ayant été désignée ne peut être reconnue ailleurs pour fins d’exécution. Ces mécanismes procéduraux sont adoptés par les juridictions qui favorisent la réciprocité afin d’encourager le commerce international. Alors que les clauses d’élection de for ne sont pas encore toujours appliquées partout avec la même rigueur, les clauses d’arbitrage sont protégées par une convention internationale adoptée par plus de 160 pays.
Les clauses de prévention sont de nature variée, mais visent toutes à fournir aux parties en litige des outils et des processus pour augmenter les chances d’en arriver à un règlement amiable avant le début d’une procédure devant la juridiction désignée par la clause juridictionnelle. Parmi celles-ci, on trouve la clause de médiation et la clause d’expertise.
La clause de médiation oblige les parties à participer à une négociation présidée par un tiers impartial afin de tenter d’en arriver à une transaction mettant un terme au litige, et ce, préalablement à la procédure devant la juridiction désignée. Évidemment, la présence d’une clause de médiation obligatoire n’empêche pas que d’autres médiations aient lieu ultérieurement en cas d’échec.
La clause d’expertise, quant à elle, sert à isoler un élément factuel au sein du contrat, comme un prix ou une qualité, que pourra déterminer un tiers impartial de manière définitive. Ce processus peut aider les parties à évaluer la suite du dossier au vu de la détermination factuelle faite par l’expert, mais il ne remplace pas le procès, car les parties conservent le droit de faire valoir leurs prétentions juridiques.
La prévention d’un litige international
L’évaluation des conséquences potentielles, en cas de litige, d’avoir à engager des avocats d’une autre juridiction, d’avoir à se déplacer pour être entendu ailleurs ou d’assujettir la procédure à un mode de prévention, encourage généralement une partie à négocier les clauses de règlement des différends de manière un peu plus serrée. Évidemment, chaque partie veut « jouer à domicile », mais ce domicile n’étant pas au même endroit, un compromis devra forcément être trouvé pour que le contrat soit conclu.
Lorsque les avocats des parties qui négocient connaissent les différentes clauses de règlement des différends ainsi que la médiation, l’arbitrage et le droit du commerce international, ce compromis peut être moins difficile à atteindre. Par exemple, plusieurs institutions d’arbitrage proposent des modèles procéduraux adaptés à différentes situations litigieuses potentielles, incluant la médiation ou les procédures d’urgence. Quant aux lois, il existe des secteurs d’activités où des conventions internationales ont harmonisé les règles, comme pour la vente internationale de marchandise, facilitant ainsi la désignation de la loi applicable. Dans tous les cas, des clauses de règlement des différends claires favoriseront la prévisibilité et la prévention des procédures et des frais juridiques potentiels liés à un litige international.
Pour obtenir des conseils sur vos stratégies de règlement des différends, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit international.
© 2020, M. Antoine Motulsky-Falardeau, Avocat
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