Prix fixes et délais de livraison fermes : Oubliez cela!

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Par Me Micheline Dessureault | Toutes les semaines, nos clients font face aux pressions exercées sur la chaine d’approvisionnement non plus seulement par la pandémie de COVID-19 mais dorénavant aussi par l’invasion de l’Ukraine, qui aura sans contredit des impacts dévastateurs ressentis à travers la planète.

Les délais de livraison engendrés par ces crises planétaires, tout comme les effets de ces crises sur la hausse vertigineuse des prix du pétrole et du gaz, des matières premières, composantes, pièces, produits d’emballages et coûts de transport, entrainent des répercussions pour les entreprises sur leur capacité à respecter les contrats existants avec leur clientèle, les mettant aussi à risque pour les transactions à venir.

Pourtant, comme conseillers juridiques des entreprises, nous constatons qu’une grande quantité d’entreprises continuent à utiliser leurs vieux formulaires modèles de commandes et de ventes, tels bons de commande, termes et conditions de ventes généraux, soumissions, contrats de vente ou de distribution, etc., sans même se rendre compte qu’ils se tirent dans le pied, puisque ceux-ci ne sont souvent pas adaptés à faire face à de telles crises planétaires.

En effet, il devient essentiel de négocier spécifiquement les clauses de prix et de délais avec ses fournisseurs et clients, puisqu’il est presque certains que les délais ne pourront être respectés, mais il est clair que les prix augmenteront. Comme entreprise ayant besoin d’intrants dans la fabrication de vos produits à revendre à vos clients, vous vous retrouvez donc coincé dans un étau et devez prendre une approche à la fois collaborative avec chacun, mais aussi diamétralement opposée.

Avec vos fournisseurs, vous devrez tenter de négocier des prix garantis pendant la plus longue période possible, en utilisant aussi des Incoterms où la portion transport sera majoritairement assumée par eux. Quant aux délais de livraison, ils pourraient être relativement souples, mais avec des dates limites. Rien n’est parfait et ne vous mettra totalement à l’abri, puisque même avec une date limite, vous demeurerez sans doute mal pris en n’ayant pas d’autres sources d’approvisionnement à court terme, devant prendre votre mal en patience. Néanmoins, les choses auront été mises au clair et le contrat pourra donner lieu, au besoin, à des indemnisations ou des crédits sur les commandes futures.

À l’opposé, vos clients devront accepter des clauses de prix variables, avec le délai de préavis le plus court possible, vous permettant de leur refiler les augmentations de prix de vos fournisseurs et transporteurs. Vos clients devront, à leur tour, prendre leur mal en patience pour la livraison, sans clause de pénalité ou d’indemnisation. L’augmentation de vos propres coûts de transport devra être intégrée dans l’équation, soit pour leur refiler cette augmentation directement sur la facture, ou encore en leur laissant la responsabilité de prendre en charge la livraison à partir de votre usine.

Soyez bien conscients que pour nombre d’entreprises, vendre à prix fixe pour une durée spécifique était risqué par le passé, mais cela devient dorénavant commercialement suicidaire. Des préavis de 10 ou 30 jours pour les changements de prix étaient souvent prévus à un minimum acceptable. Souvent des délais plus longs, de 3 à 6 mois, étaient aussi chose courante, bien que plus risqués.

Est-ce que cela a encore du sens, réalistement, alors que la seule invasion de l’Ukraine a entrainé au Québec une hausse du litre d’essence de plus de 0.15$ en 2 jours au début mars et que le litre a explosé de près de 0.50$ entre janvier et la 3e semaine de cette invasion?

Et on ne parle même pas des variations de taux de change dans l’équation, variations qui ont toujours été un élément critique dans le positionnement des prix des produits sur les marchés internationaux. Comment réagiront les devises telles que le dollar américain et l’euro, au fil des jours et des semaines du conflit ukrainien et des risques de débordement de celui-ci?

Quelle position difficile que de devoir « parler des 2 côtés de la bouche » avec ses fournisseurs et clients, demander à l’un l’inverse de ce que l’on demande à l’autre! Mais ces négociations doivent se faire et se transcrire dans des écrits clairs, lors des commandes et des contrats de vente, d’approvisionnement, de sous-traitance et de distribution. Des solutions doivent aussi être négociées pour les contrats en cours, pour assurer la pérennité des relations.

Et ne pensez pas que les clauses de « force majeure » vous sauveront la vie, si tant est que vous en ayez une qui soit bien rédigée et applicable dans vos documents commerciaux. Dans nombre de clauses contractuelles et, en leur absence, en droit applicable dans de nombreuses juridictions, la force majeure parle d’évènements imprévisibles et contre lequel la partie n’a pu se prémunir, rendant totalement impossible l’exécution de son obligation. « Impossible » ne voulant pas dire plus cher ou avec des délais plus longs pour vous.

Difficile aussi d’alléguer comme excuse, en ces temps troublés, que les difficultés d’approvisionnement en raison de la COVID sont imprévisibles, plus de 2 ans après le commencement de la pandémie. C’est encore plus vrai alors qu’en 3 semaines seulement, nous sommes passés d’une Europe en paix à une zone de guerre.

Il vous faut donc prendre le taureau par les cornes, comme entreprise, pour négocier ces termes essentiels dans vos relations contractuelles.

Notre équipe de droit des affaires internationales est à même de vous aider dans la rédaction et l’analyse de vos contrats, ainsi que de vous conseiller sur vos transactions locales et internationales, en collaboration avec nos cabinets partenaires internationaux.


© 2022, Me Micheline Dessureault
Avocate et agent de marques de commerce
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